Le Québec, en désavantage numérique

Alors que s’amorce la dernière année de son mandat, François Legault a élaboré une liste de projets et d’ambitions pour l’avenir du Québec. Et il a réitéré son engagement à réduire l’écart de richesse avec l’Ontario. Mais peut-il vraiment espérer y arriver sans prioriser les enjeux de la pénurie de main-d’œuvre et du vieillissement de la population?

Dans son discours d’ouverture à l'Assemblée nationale, le premier ministre a déclaré ceci : Depuis le début de notre mandat, on a réussi à réduire l'écart de richesse entre le Québec et l'Ontario, en le faisant passer de 16 % à 13 %. On doit poursuivre ce rattrapage et on doit l'accélérer.

Pour y arriver, il faut une croissance économique plus forte que celle de l’Ontario, ce qui passe par une meilleure productivité et une croissance de la démographie, particulièrement de la population active. À moins d’assister à un ralentissement majeur de l’économie ontarienne, il est peu probable que le Québec réussisse à rejoindre sa voisine sans une solide stratégie pour faire face à son défi démographique.

Une trop faible croissance démographique

La perte d’un siège à la Chambre des communes qui se dessine pour 2024 dans la réforme des circonscriptions fédérales illustre, une fois de plus, le retard économique que le Québec est en train de prendre par rapport aux autres provinces canadiennes. Non seulement le Québec manque-t-il de main-d’œuvre, mais sa démographie croît plus lentement qu’ailleurs au pays.

Depuis l’adoption de la dernière réforme électorale en 2011 au pays, la population de l’Alberta a progressé de 21,9 %, celle de la Colombie-Britannique, de 18,5 %, et celle de l’Ontario a augmenté de 15,4 %. Pendant ce temps, au Québec, la hausse de la population n’a été que de 8,9 %.

Autrement dit, la croissance démographique est de deux à trois fois plus importante en Alberta, en Ontario et en Colombie-Britannique qu’au Québec.

Pis encore, depuis 10 ans, la population de citoyens âgés de 25 à 54 ans, qui est le cœur de la main-d’œuvre, a chuté de 2,2 % au Québec, alors qu’elle a crû de 4,9 % en Ontario et de 9,9 % en Alberta et en Colombie-Britannique.

Or, pour améliorer le niveau de vie du Québec et réduire l’écart avec les autres provinces, et pour améliorer la productivité, il est fondamental d’avoir une population en croissance et d’avoir des travailleurs en masse pour pourvoir les postes vacants. Malheureusement, au Québec, le nombre de personnes dans la tranche des 25-54 ans est en baisse en raison de ce phénomène du vieillissement de la population.

Ajoutons à cela que le taux d’activité des 55 ans et plus est particulièrement bas au Québec. Cet indicateur nous montre le nombre de personnes qui fait partie de la population active, en emploi ou en recherche d’emploi. Ce taux était de seulement 34,3 % au Québec en septembre 2021, alors qu’il était à 38 % en Colombie-Britannique, 38,1 % en Ontario et à 42,1 % en Alberta.

Gérald Fillion

De plus en plus de retraités

Le Québec fait face à des vents contraires : actuellement, le nombre de personnes de plus de 55 ans qui sort du marché du travail est plus élevé que le nombre de nouveaux travailleurs qui entrent dans la population active.

Le Québec joue donc en désavantage numérique. C’est un constat fondamental avec lequel le gouvernement, peu importe sa vision, ses ambitions ou son discours politique, doit composer.

Ne manquez pas l'édition spéciale de Zone économie consacrée aux vraies raisons de la pénurie de main-d’œuvre, mercredi à 17 h 55 HAE, sur les ondes d'ICI RDI.

Tout cela explique, en bonne partie, l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre au Québec. Selon Statistique Canada, au deuxième trimestre, le Québec comptait 194 145 postes vacants, un nombre qui représente 5,3 % de l’ensemble des emplois.

Et la pente pour réduire cette pénurie est plus abrupte pour le Québec qu’ailleurs au pays, pour toutes les raisons évoquées dans ce texte.

Les solutions sont celles que nous connaissons :

  • favoriser l’intégration des chômeurs, des prestataires d’aide sociale, des Autochtones et des personnes handicapées au marché du travail;
  • investir dans la formation;
  • investir dans la requalification;
  • investir dans l’automatisation;
  • encourager fortement les aînés à demeurer ou à revenir au travail;
  • encourager le gouvernement fédéral à mieux cibler ses soutiens à partir de maintenant pour éviter de ralentir le retour de certaines personnes sur le marché du travail;
  • accueillir davantage d’immigrants.

Et c’est sur ce dernier point que le bât blesse. Le Québec a atteint des limites à l’intégration des immigrants, a répété le premier ministre François Legault mardi, ce qui n’est pas l’avis de tous.

Le fait est que le Québec représente près de 22,5 % de la population du Canada, mais n’accueille que 17,8 % des immigrants récents, selon le recensement de 2016, une baisse par rapport à 2011. A-t-on les moyens de se priver de cette main-d’œuvre potentielle?

Pour ne pas nuire à l’économie du Québec, pour en favoriser surtout l’essor, peut-on vraiment se priver de la solution de l’immigration? Ce n’est pas la seule, c’est clair. Mais n’est-elle pas essentielle à notre prospérité future pour croître et financer nos services publics en santé et en éducation, pour soutenir les coûts supplémentaires qui sont et seront engendrés par le vieillissement de la population?

Le Québec ne peut s’étonner de perdre un siège à la Chambre des communes quand on voit son poids démographique décroître. Le Québec prend du retard face aux autres provinces sur le plan démographique. Pour retrouver une croissance plus forte, il faut faire plus d’enfants ou accueillir davantage de citoyens venus des autres provinces ou d’ailleurs dans le monde. L’équation n’est pas difficile à comprendre.

Comment développer une stratégie efficace de croissance plus forte de l’économie du Québec si sa population en âge de travailler est en déclin?

 

Pour lire l'article complet : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1832986/quebec-desavantage-numerique-main-doeuvre-vieillissement-ecart-richesse

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