L’idée d’un «Buy Canadian Act»

Plus tôt cette semaine, le prolifique entrepreneur de la Beauce Marcel Dutil, fondateur de la société Canam, lançait un plaidoyer en faveur de la mise en place d’un «Buy Canadian Act» un peu comme le Buy American Act en vigueur aux États-Unis.

Dans le jargon des affaires internationales, le Buy American Act régit essentiellement tous les biens achetés par les organismes gouvernementaux fédéraux des États-Unis (articles, matériaux ou fournitures) dont la valeur est supérieure au seuil de micro-achats (actuellement établi à 10 000 $US). En vertu de cette loi, tous les biens acquis servant à l’usage public doivent être fabriqués aux États-Unis. Pour être considérés comme étant produits aux États-Unis, les biens doivent être fabriqués aux États-Unis et au moins 50 % du coût de leurs composants doivent provenir des États-Unis.

Comme le Canada ne dispose pas d’une politique protectionniste aussi limitative que celle des États-Unis pour les entreprises étrangères, des ouvrages d’infrastructures destinés à des projets au Canada peuvent être importés de partout rendant ainsi le marché canadien plus difficile pour nos propres entreprises à cause de l’effet de la concurrence. On comprend donc bien pourquoi Marcel Dutil fait un plaidoyer en faveur d’un Buy Canadian Act afin que les entreprises canadiennes puissent elles aussi bénéficier d’une certaine protection. Et en fonction des arguments apportés par M. Dutil, pour qui je voue une admiration sans borne, je lui donne raison. En effet, les entreprises canadiennes sont désavantagées par rapports aux entreprises étrangères, qui peuvent plus facilement venir nous concurrencer sans devoir disposer d’exigences de contenu local aussi sévères que dans leurs pays.

Je suis d’avis que non seulement nous pourrions disposer d’un Buy Canadian Act, nous pourrions surtout disposer d’un Buy North American Act. L’idée ici serait de mieux nous intégrer d’abord avec les Américains pour consolider le concept territorial du continent, ce qui reviendrait à favoriser l’Amérique d’abord avant les autres continents. Les négociations devraient aussi être tenues par des gens d’affaires qui connaissent les besoins des entreprises et non par des fonctionnaires ou des politiciens de carrière comme c’est souvent le cas au Canada.

D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que lorsque le gouvernement américain négocie des ententes commerciales partout dans le monde, il met en place une équipe de négociateurs qui proviennent du privé et qui disposent de réelles expériences en affaires. Au Canada, plus souvent qu’autrement, on retrouve plutôt des négociateurs issus des réseaux politiques ou même des négociateurs qui ont des liens avec le parti au pouvoir. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le Canada se retrouve perdant dans la plupart des négociations commerciales et que l’on nous qualifie souvent de naifs ou de mous. Nos négociateurs ont des intérêts politiques avant d’avoir des intérêts d’affaires.

Et ne me dites pas que c’est parce que les États-Unis ont un poids plus grand que le nôtre et qu’encore une fois nous serions le second violon dans une négociation. Cet argument est trop facile. Les entreprises américaines souhaitent essentiellement la même chose que nous.

Oui elles sont protégées par le Buy American Act, mais il est aussi évident que la plupart souhaiteraient pouvoir créer encore plus de partenariats avec les entreprises canadiennes afin de faire ensemble, de grands projets, tant au Canada qu’aux États-Unis et certainement avant des entreprises européennes ou asiatiques. Elles savent surtout que s’il n’y avait pas d’embûches politiques, les partenariats entre Canadiens et Américains seraient certainement plus fréquents, les projets plus efficaces et les coûts certainement plus bas compte tenu que nos infrastructures seraient fabriquées en Amérique.

D’ailleurs, et afin de répondre aux besoins des entreprises de chaque côté de la frontière, il ne suffirait que d’entreprendre des négociations sur des éléments qui sont à la base de ce que toutes les entreprises nord-américaines souhaitent depuis longtemps.

Le libre passage des personnes entre les deux pays et la possibilité pour ceux-ci de travailler de part et d’autre de la frontière canado-américaine tout comme la mise de l’avant d’une vraie politique d’intégration territoriale avec les États-Unis, basée sur le modèle de l’espace Schengen en Europe, ne sont que quelques exemples d’éléments négociés qui donneraient un sens à un Buy North American Act.

De par ma propre expérience avec les Américains, je demeure convaincu qu’ils sont prêts à négocier avec nous sur ces bases.

Encore faut-il que les Canadiens soient aussi prêts à négocier et là jusqu’à preuve du contraire, rien n’est moins sûr.

 

Pour lire l'article complet : https://www.latribune.ca/chroniques/pierre-harvey/2023/05/11/lidee-dun-buy-canadian-act-ZDXHKONIGVGFLFFDNAMNNRPEOA/

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